L’ESPRIT DE LA RUCHE
Réalisateur(s) : Victor Erice
Interprète(s) : Fernando Fernan Gomez, Teresa Gimpera, Ana Torrent
Pays : Espagne
Année : 1973
Durée : 1h37
Synopsis :
Dans une Espagne ravagée par la guerre, deux jeunes soeurs sont livrées à elles-mêmes; leurs parents étant absorbés par d’autres préoccupations.
Un jour, elles assistent à la projection, du film Frankenstein.
Ana, fascinée par le monstre, se met à sa recherche.
Un chef-d’oeuvre du cinéma espagnol.
Mon
humble avis :
« L’esprit de la ruche » nous est présenté comme de l’onirisme espagnol pour cinéphiles curieux (on est à peine 25 dans la salle effectivement)…
Le message traite du pouvoir, de l’influence, que peut avoir un film d’horreur sur les « âmes sensibles ».
Il est aussi évoqué la « triste épouvante » que peut procurer une ruche comme métaphore de la société humaine…
Mais il est principalement question de la découverte de la mortalité par une enfant.
La réalisation souffre d’une exposition lente du sujet, sans personnage principal clairement défini avant un bon moment, d’où des difficultés à rentrer dedans.
On se retrouve avec une errance sans un récit aux enjeux bien clairs…
Le film joue constamment avec les non-dits, il y a peu de dialogues, et finalement seules les images et la mise en scène raconte « l’histoire ».
Les cadrages usent de mises en abîme, par exemple avec une silhouette en ombre
chinoise au travers d’une fenêtre, alors qu’on entend la bande son d’autre film (en l’occurrence le « Frankenstein » de la Universal).
…ou encore avec des portes ouvertes en enfilade sur un long couloir.
On trouve quelques lents plans en mouvement.
Les cadres jouent beaucoup sur le hors-champ et la suggestion.
Il y a aussi des gros plans d’inserts sur les abeilles…
La photographie sépia a un côté « grindhouse » du à l’âge du film et au
vieillissement de la copie.
Les teintes sont orangées, évoquant le bois et le miel (thème de la ruche), avec des lumières jaunes et des noirs profonds.
Tout cela crée une ambiance triste et mélancolique, qui renforce l’omniprésence des thèmes morbides.
Le montage est lent, mais utilise des effets intéressants (et étrangement « modernes », ou en tout cas encore « à la mode ») :
Par exemple, les transitions entre les scènes se font avec le son à cheval sur les deux scènes (on entend celui de la suivante sur des images de celle qu’on quitte).
Il y a aussi souvent des ellipses avec des fondus raccourcissant des plans fixes (les enfants se rendant à l’école, ou traversant la plaine).
Mais le rythme général reste lent, avec des temps morts, et du « remplissage auteurisant » !
Les décors sont ceux d’un petit village isolé et décrépi.
On y voit une salle de ciné où il faut amener sa propre chaise, une vieille gare avec un vrai train à vapeur, et la grande propriété des parents de l’héroïne.
Le décorateur a subtilement repris des motifs hexagonaux (par exemple dans les carreaux des fenêtres) pour évoquer les alvéoles de la ruche.
Il y a de beaux plans larges sur la nature aride et désolée, avec une campagne désertique et plate jusqu’à l’horizon.
La ferme en ruines que l’héroïne imagine hantée est sobre mais inquiétante.
Les costumes des années 40 sont sombres, rien à signaler qui ne sorte de l’ordinaire du milieu rural espagnol de l’époque, si ce n’est celui de l’apiculteur, et des petites filles
modèles.
Les effets spéciaux sont presque inexistants, mis à part deux scènes.
Dans la première, la petite fille blessée au doigt (après avoir tentée d’étrangler son chat) se maquille les lèvres avec son propre sang, mêlant ainsi les pulsions Eros & Thanatos.
Au cours de la seconde, l’héroïne voit son reflet dans l’eau se transformer en celui du monstre de Frankenstein, dont le maquillage reprend le look classique de Boris Karloff dans le film de la
Universal.
Le casting du coup inclue des caméo de Boris Karloff lors des extraits du film culte, et repose en grande partie sur les deux jeunes enfants.
L’actrice principale est d’ailleurs très photogénique, avec de grands yeux dignes d’un manga.
Cependant, le jeu de tous ces acteurs est tout en retenue, assez peu expressif.
La musique est surtout diégétique, comme par exemple la mère au piano, ou le
père sifflotant.
Mais on entend quand même parfois une bande originale avec des mélodies bucoliques un peu à côté de la plaque, ou bien insistant sur l’innocence des enfants.
Ces airs reprennent des comptines connues, comme « Il était un petit navire » par exemple, à la flûte.
Ce sont toujours des morceaux de transition assez courts.
Il y a quelques rares airs plus inquiétants au piano, avec des voix morbides.
En conclusion, ce film est bien trop lent pour le public d’aujourd’hui, de plus c’est davantage un drame psychologique qu’un vrai film fantastique, donc à réserver aux amateurs.
Pour les autres, il aura un effet somnifère (avec berceuse) garanti !
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