Les Baroudeurs de l’espace
Le nom de Jean-Claude Mézières est associé à la série de science-fiction Valérian, et c’est un fait que pendant plus de quarante ans, il a dessiné la vingtaine de tomes de cette série scénarisée par Pierre Christin et devenue un classique de la bande dessinée française.
Il y déploie une forme de classicisme «néo franco-belge» qui contraste plaisamment avec ce que les scénarios de Pierre Christin peuvent avoir de spéculatif et de très directement politique.
Mais si Mézières a surtout dessiné Valérian, il n’a pas dessiné que Valérian.
À ses débuts dans Pilote, dans les années 1960, il illustre les scénarios humoristiques fournis par Fred, Lob ou Reiser, et les cinéphiles se souviennent qu’il a collaboré en 1992 (avec Jean Giraud) à la conception graphique du Cinquième élément de Luc Besson.
Dans la deuxième moitié des années 1970, il participe aux premiers numéros de Métal Hurlant en fournissant, en 1976 et 1979, deux récits de huit pages, la seconde s’intitule « Les Baroudeurs de l’espace ».
Située dans un futur indéterminé, elle raconte, sur le principe quasi exclusif du texte off, comment un petit délinquant «coincé» avec ses amis par une patrouille de «pzin», est placé devant une alternative décisive: soit il fait quinze ans de prison-réforme, soit il s’engage dans la légion spatiale.
À la différence de ses copains, il choisit la légion et le lecteur le voit devenir le parfait rouage d’une unité spéciale chargée de «nettoyer» certaines planètes, foyers de rébellion contre le règne galactique de l’organisation terrienne.
On sait la fascination de Jean-Claude Mézières pour les États-Unis et certaines de leurs mythologies (il y a fait de nombreux séjours et a même exercé le métier de cow-boy!).
Cette histoire, discrètement ironique, donne une vision futuriste et critique de la dimension impériale des USA.
Du point de vue technique, c’est une curiosité, puisque c’est le seul exemple dans la carrière de Mézières d’une mise en couleurs à l’aérographe, outil qui, bien avant l’invention de la palette graphique, permettait, au moyen d’une manipulation délicate, d’obtenir des effets de dégradés assez spectaculaires, qu’on peut notamment admirer sur les fuselages des engins volants ou les ciels et leurs nuages.
Dégoûté par la difficulté d’emploi de l’aérographe, Jean-Claude Mézières n’y eut ensuite plus jamais recours.
Totalement fasciné par cette BD, qui fut donc publiée quand j’avais 9 ans, je décidais à titre à la fois d’hommage et d’entrainement au dessin de la recopier avec mes propres moyens (essentiellement des crayons de couleurs !) à l’âge de 17 ans, en 1987…