ONDINE

 

a Neil Jordan film
Screenplay Neil Jordan
Cast: Colin Farrell, Alicja Bachleda-Curus, Tony Curran, Stephen Rea, Tom Archdeacon, Dervia
Kirwan, Alison Barry, Norma Sheahan, Emil Hostina, Don Wycherley
Running time: 111 min.
Contries : Ireland / U.S.A.

L'avis du BIFFF :

On garde ses vannes au vestiaire : on oublie Ariel (le Disney et la lessive) et le mythe éculé de la sirène qui se trémousse avec des coquillages en guise de Wonderbra et du cuissot écaillé digne de se retrouver dans un king fish. Parce qu’Ondine - jeune naïade repêchée par Syraceuse lors de sa levée de filets - est plutôt du genre regardez-moi dans les yeux ; dans les yeux, j’ai dit… On se retrouve dès lors à se taper le groin sur le buffet et imiter le loup de Tex Avery en cherchant un seau à glaçons pour calmer nos ardeurs. Plus causante qu’un poisson rouge, elle aura droit à son aquarium personnel chez Syraceuse et ce dernier ne tardera pas à enfiler son maillot pour une petite séance de nage synchronisée. Mais est-ce vraiment par hasard qu’elle a surgi dans la vie de cet homme brisé, biberonnant son pur malt à l’heure du thé pour supporter la maladie de sa fille unique ? Un ange gardien à forte poitrine, c’est quand même plus efficace qu’un Christian Clavier avec une auréole, non ?

Revenu de son escapade hollywoodienne, Neil Jordan renoue avec ses premiers amours : le fantastique, qui lui doit déjà La compagnie des loups et Interview with a vampire. S’attelant cette fois à un mythe du folklore germanique, il offre le rôle magnifique d’Ondine à Alicja Bacjleda, encore méconnue chez nous, qui donne la réplique à Colin Farrell (définitivement doué dans ses choix).

  MON HUMBLE AVIS :

L’Ondine est une créature du folklore celtique, une variation de la sirène, une femme vivant au fond des océans.
Dans la variation irlandaise de ce mythe, elle est appelée « Selkie » et aurait une apparence entre le phoque et l’homme.
Comme la petite sirène de Walt Disney, elle peut se débarrasser de sa peau de phoque pour tenter de fuguer sur la terre ferme, y vivre une histoire d’amour avec un humain, pour échapper à un mari aquatique tyrannique…
Savoir que c’est Neil Jordan, le réalisateur du féerique et mystérieux « Compagnie des loups », qui va baser son nouveau film sur cette légende, permet d’espérer (à tort) un vrai film fantastique, à l’atmosphère envoûtante de conte de fée pour adulte.
Malheureusement, il n’en est rien, la légende est juste évoquée par les dialogues, mais jamais illustrée à l’écran, au final le film appartient plus au genre romantique, voire (très) légèrement au polar, et n’a strictement rien à faire dans un festival dédié au cinéma fantastique.
Il n’y a en effet aucun élément irréel ou surnaturel dans son intrigue : un pêcheur attrape une femme dans ses filets, il la cache car elle ne veut voir personne.
Sa petite fille handicapée s’imagine que c’est une Selkie, et la femme, qui prétend être amnésique mais veut surtout cacher son passé, s’arrange très bien de cette nouvelle identité.
Elle ne contredit pas l’enfant car finalement cette touche de poésie la soulage du traumatisme du monde violent d’où elle est en réalité issue.
Bien entendu, cette réalité bassement terre à terre la rattrapera, et le scénario devra se conclure d’une façon tristement dénuée de toute magie, à part celle d’un happy end convenu, après un final au suspens bâclé.
Ce n’est pas un mauvais film pour autant, car la réalisation est tout à fait efficace, sachant prendre le temps nécessaire pour qu’on s’attache aux protagonistes et placer quelques scènes contemplatives sur la lande des côtes irlandaises.

Le metteur en scène favorise les cadres larges, pour profiter des décors, mais sait aussi se rapprocher des corps pour créer des ambiances érotiques, l’actrice principale donnant beaucoup d’elle-même dans ce sens (avec une certaine gratuité vu le ton romantique du film, mais qui se plaindrait de voir une femme magnifique sortir de l’eau au ralenti avec une robe, transparente et trempée, collée sur la peau).
Christopher Doyle, le directeur photo de Wong kar Waï quand même, livre un travail fonctionnel, naturaliste, loin de la sophistication qu’on aurait pu attendre d’un tel artiste.
L’étalonnage renforce les contrastes et atténue les couleurs chaudes, donnant une image banale qui se veut réaliste.
Le tout est monté avec une certaine lenteur, sauf dans le final étrangement trop rapide en comparaison (c’est clair que l’aspect thriller ça n’intéressait pas du tout Jordan).
A part les beaux paysages, et les scènes maritimes, les décors se résument à un port miteux et à des pubs glauques, et question costumes on retiendra surtout les tenues délicieusement rétros que portent l’héroïne (et surtout les scènes, gratuites elles aussi, où elle se change) ! être cool
Pas du tout de sfx dans ce film donc, mais on y trouve par contre une interprétation tout à fait convaincante, et pleine de tendresse, où même des stars comme Colin Farrell et Stephen Rea sont justes et touchants.
La musique est banale, elle ne joue pas assez la touche « folklore local » qui aurait pourtant soutenu l’aspect « presque fantastique » du sujet, mais fonctionne suffisamment dans les moments d’émotion.
Pour ceux qui préfèrent rêver, il vaut mieux revoir « La jeune fille de l’eau » de Night Shyamalan sur un thème similaire, voir même « Splash » de Ron Howard.
En conclusion, je déconseille ce film aux amateurs de fantastique pur et dur, qui seront forcément déçus, par contre pour ceux qui savent apprécier une belle romance bien jouée, « Ondine » peut être vu, à condition toutefois d’être bon public avec son scénario totalement improbable et irréaliste.

Une scène mémorable qui vous donnera (peut être) envie de voir le film :
Lorsque sa petite fille doit se faire transfuser (à cause d’une maladie aux reins), le père lui propose de lui raconter une histoire pour lui éviter de s’ennuyer… comme il n’a ni culture, ni imagination, il ne trouve rien de mieux que de lui raconter tout ce qui s’est déjà passé dans le film… et quand il a fini, sa fille lui répond du tac au tac :
« Mais elle est trop nulle ton histoire ! »