GOAL OF THE DEAD
Réalisateur : Benjamin ROCHER (1re mi-temps) et Thierry POIRAUD (2e mi-temps)
Scénario : Quoc Dang Tran, Marie GAREL, Nicolas PEUFAILLIT, Ismaël SY SAVANE, Tristen SCHULMANN, Laetitia TRAPET
Musique : Thomas COUZINIER
Année : 2014
Durée : 2 X 70 minutes
Acteurs : Alban LENOIR, Charlie BRUNEAU, Patrick LIGARDES, Ahmed SYLLA, Bruno SALOMONE, Xavier LAURENT, Sébastien VANDENBERGHE
SYNOPSIS :
Pour l'olympique de Paris, aller disputer ce match amical à Capelongue aurait dû etre une simple corvée de fin de saison. Personne n'aurait pu anticiper qu'une infection très semblable à la rage allait se propager, et transformer les habitants du petit village en créatures ultra-violentes et hautement contagieuses. Pour Samuel, l'ancienne gloire près de la retraite, Idriss, le prodige arrogant, Coubert, l'entraineur dépressif, ou Solène, la journaliste ambitieuse, c'est l'heure de l'affrontement le plus important de leur vie.
Mon humble avis :
Mélanger les thèmes du foot (en pleine période de coupe du monde) et des zombies (au sommet de la mode) semblait un pitch bien racoleur, pour enfin faire venir du public devant du fantastique français, mais efforçons nous d’analyser le film objectivement, pour en déceler les forces et les faiblesses…
Le message du film vis à vis de ce sport est assez critique, il nous montre l’envers du décor, avec ses carrières éclair dénuées de sens, ses sportifs écervelés élevés comme des poulets en batterie, ses agents sportifs pourris cherchant à faire du fric en dépit de tout esprit sportif, ou considération humaine pour leurs champions, les rivalités au sein du même équipe pour la gloriole médiatique, les supporters complètement abrutis à la bière déversant leur haine comme dans des arènes, les minettes prêtes à coucher comme des groupies de rockers (sans compter les putes, évoquées mais non montrées), le racisme, le chauvisnisme, les journalistes en quête de sensationnel toujours prêts à mettre de l’huile sur le feu, le manque total de sens des responsabilités de la plupart des gens impliqués, et surtout un individualisme puant (un comble pour un sport d’équipe).
Il y a bien le personnage de l’entraîneur à l’ancienne qui paraît plus « noble » dans ses idéaux sportifs, mais lorsqu’il sort un discours pour motiver les troupes, en les mettant en avant, il est vite ridiculisé par la mise en scène qui lui coupe la parole avec un zombie se jetant tout à coup sauvagement sur lui.
Bref on est dans le cynisme total, la grosse caricature vilaine, mais assumée, où tous les protagonistes en prennent autant dans la gueule, malgré le nombre de points de vue différents.
Donc, pour un spectateur comme moi, qui déteste le sport en général, et le foot en particulier, ça ne sera pas difficile de voir un spectacle basé sur cet univers, puisque c’est pour en dénoncer les dérives, par contre je me demande comment il peut être reçu par les fans absolus de ce sport, les supporters justement caricaturés (même si le petit groupe qu’on va suivre va se montrer parfois héroïque, ils restent quand même de « gros bœufs » pathétiques).
Le film est donc coupé en deux parties, réalisées par deux metteurs en scènes aux styles bien différents, mais avec les mêmes équipes techniques et le même casting évidemment.
Ça reste un choix discutable, car la différence de ton et d’atmosphère est quand même importante, trop peut être pour en faire un tout cohérent (un peu comme les deux moitiés du film « Une nuit en enfer » de Tarentino et Rodriguez).
Je pense qu’il aurait été préférable, par exemple, qu’ils co-réalisent le tout ensemble, avec par exemple Poiraud davantage sur la technique, la gestion de l’image et de la photo, et Rocher plus centré sur les acteurs, et le rythme de l’ensemble, ça aurait été plus homogène évidemment, mais surtout bénéfique à la fin, car le spectateur reste toujours sur sa dernière impression.
Ils auraient pu aussi rester sur cette idée de double programme, mais alors en inversant les segments dont ils avaient la charge, non pas que Poiraud soit un moins bon réalisateur que Rocher, mais son style moins carré, plus onirique et auteurisant, s’adapte assez mal au final qu’on espère avoir, après la mise en place faisant monter la pression.
En inversant, l’exposition aurait peut être été moins claire, et les enjeux entre les personnages plus flous, mais ça aurait rajouté du mystère à l’intrigue peut être trop prévisible de la première moitié, pour nous offrir un second opus plus radical, rentre-dedans, avec des scènes d’actions mieux construites…
Le choix qu’ils ont fait donne un résultat étrange, à des lieux en tout cas de la progression dramatique des recettes des blockbusters du genre, et c’est peut être ce qui leur importait avant tout, l’originalité, dans un genre si codifié (et si utilisé ces dernières années, où l’on « bouffe du zombie » jusqu’à la nausée), qu’il devient de plus en plus dur de proposer de l’inédit.
Quoiqu’il en soit, vous l’aurez compris, à travers mes réserves, la réalisation de Benjamin Rocher m’a bien plu, avec une maîtrise technique solide, et une simplicité efficace, tandis que celle de son comparse Thierry Poiraud m’a semblé plus déplacée, avec ses effets de style un peu vains, qui tombent parfois à l'eau (les hyper ralentis, ou image gelée, sur des explosions de têtes bigger than life par exemple), et sa photo brumeuse qui aurait mieux collé à une « ghost story » qu’à un « zombie flick ».
Les cadrages de Rocher sont certes parfois plus « télévisuels », que les plans larges privilégiés par Poiraud, mais dans l’ensemble il y a une bonne variation de valeurs de cadre, qui sont assez signifiants pour souligner l’émotion (on sent un bon travail en amont de story-board, peut être parfois bousculé par l’urgence d’un tournage sans tout le budget nécessaire).
La photographie est donc très pro, il y a vraiment de belles images dans ces deux films, surtout dans la seconde moitié donc, bien que le premier générique de fin soit sur ce point particulièrement impressionnant (reprenant toute l’intrigue sous d’autres points de vue).
Le montage du premier film m’a paru vraiment efficace, il se concentre surtout sur le rythme des dialogues, comme le ferait une bonne comédie, mais avec quelques scènes d’action bien tendues, qu’on aurait aimé retrouver davantage ensuite.
Les décors se concentrent donc sur un village rural de province, son stade, son bistro, son commissariat, et la demeure du docteur, rien de bien exceptionnel à voir sur ce plan, mais une exploitation intelligente de toutes les possibilités scénaristiques et visuelles offertes par l’architecture du stade (terrain, grillages, vestiaires, sous-sol techniques, etc…).
De même, pas grand chose à signaler question costumes, réalistes, mais sans style particulièrement amusant par exemple.
Les SFX sont assez nombreux, et variés, ils utilisent autant les effets de plateau (maquillages zombiesques, faux sang), que les améliorations par infographie, mais sans être envahissantes.
Les zombies ne sont pas vraiment originaux, on les voit assez peu dans le détail, et il n’y a pas de mise à mort particulièrement originale, genre « le truc qu’on avait encore jamais vu nulle part » que les fans recherchent toujours, d’ailleurs ce n’est pas si gore que ça, il y a même des morts hors champ (l’adolescente chaudasse par exemple), une pudeur inattendue dans le genre.
Les amateurs de « Walking dead » seront peut être déçus sur ce point…
Par contre, j’ai particulièrement apprécié la transmission du virus zombiesque, par vomissure dans la bouche des uns et des autres (un hommage à « Bad taste » ?), offrant une ola vomitoire particulièrement dégueulasse !
Les acteurs sont tous assez bons, Alban Lenoir tient très bien le film sur ses épaules (musclées), il est assez charismatique, dégage une empathie évidente, et n’hésite pas à écorner son image pour proposer un personnage pas exempt de défauts majeurs, ce qui finalement le rend plus sympathique encore.
Les seconds rôles ont été bien travaillés, ça en fait presque un film choral (que les acteurs ont sûrement eu plaisir à interpréter), ce qui n’exclut pas la caricature (parfois grossière), des archétypes qu’ils représentent, mais ce n’est pas la faute du casting, plutôt celle du texte, qui conserve les scories habituelles de la vision de la province par des bobos parisiens.
Dans l’ensemble, on rigole quand même bien avec ces dialogues enlevés, et il faut reconnaître qu’il pointe même parfois une émotion sincère, avec le personnage de la jeune fille à la recherche de son vrai père biologique, interprétée avec justesse par la ravissante Tiphaine Daviot, très à l’aise dans de nombreux registres.
La musique est très réussie aussi, il y a de vrais ambiances oldschool, que les fans du fantastique des années 80 apprécieront, certaines mélodies évoquant Carpenter de la grande époque, d’autres faisant plus penser à Goblin dans les meilleurs Argento, le tout avec son propre style néanmoins, et une modernité bien adaptée.
En conclusion, force est de constater que malgré les limites d’un tel sujet, les deux réalisateurs ont su faire un vrai film fantastique fun et jouissif, avec leurs tripes, et qu’on peut facilement pardonner telle ou telle faiblesse, en fonction de sa propre sensibilité de cinéphile, pour apprécier le spectacle en toute insouciance.
Enfin un bon score pour la France, en foot comme en film de genre !
BUT ! ! !