BATHORY

 

Czech Rep. – Slovak Rep. – UK – Hungary, 2008
Historical – Fantasy
138’, Colour, 35mm
 
Director : JURAJ JAKUBISKO
Producer : DEANA JAKUBISKOVA – HORVATHOVA
Screenplay : JURAJ JAKUBISKO
Photography : F.A. BRABEC, JAN ĎURIŠ
Music : SIMON BOSWELL, JAN JIRÁSEK, MAOK
Editing: CHRISTOPHER BLUNDEN, PATRIK PAŠŠ
Special Effects:
Cast: ANNA FRIEL, KAREL RODEN, HANS MATHESON, VINCENT REGAN, DEANA JAKUBISKOVA-HORVATHOVA, FRANCO NERO

SYNOPSIS
A l’aube du XVIIe siècle, Ferenc Nadasdy, un noble richissime, chef de l’armée hongroise, combat infatigablement pour protéger des Ottomans le Saint Empire romain germanique. La violence et la cruauté sont coutumières parmi les aristocrates du Moyen Age et les rumeurs qui entourent la femme adorée, mais négligée de Ferenc Nadasdy, la comtesse Erzsebet Bathory, met en fureur le clergé local.

Certains croient que la comtesse était une tueuse en série de vierges, qui se baignait dans leur sang pour conserver une jeunesse éternelle, ce qui aurait suscité des rumeurs de vampirisme. D’autres, qu’elle était une guérisseuse persécutée de la Renaissance, dont la passion pour les sciences s’est retournée contre elle à une époque troublée par la guerre et la chasse aux sorcières. Etait-elle coupable ou victime d’une élite politique qui essayait d’usurper la place de cette dame noble d’une beauté lumineuse, qui était plus riche que le roi ? Juraj Jakubisko jette un nouvel éclairage sur cette figure historique énigmatique, sur un personnage aux multiples facettes, à travers le prisme d’une fantaisie magique, d’un film captivant qui embrasse un siècle de conflits.

JURAJ JAKUBISKO
Ces films furent bannis par le régime Tchécoslovaque jusqu’en 1979, mais aujourd’hui les films de Juraj Jakubisko sont honorés dans le monde entier. Fellini a dit de ce maître du réalisme magique : « Dans les films de Jakubisko, l’irrationnel, le miraculeux et le fabuleux apparaissent aussi naturellement que la vie elle-même. ». Sa filmographie compte aussi des œuvres telles que An ambiguous report about the end of the world (1979) Post Coitum (2004).

MON HUMBLE AVIS :
En 1984, l’historien hongrois László Nagy avanca une théorie selon laquelle Erzsébet Báthory n'aurait pas commis ces crimes et aurait été victime d’une conspiration. Cette théorie a été cependant rejetée par György Pollák en 1986. Néanmoins, en 1997, le Mourre, le dictionnaire encyclopédique de référence en histoire, mentionne la thèse de László Nagy et la considère possible :
« Il est possible que les horrifiques chefs-accusations aient été inventés par certains membres de la famille pour soustraire Erzsébet à l'accusation suprême de haute trahison, car elle voulait contribuer avec ses gens d'armes et avec sa fortune personnelle à la lutte de son cousin Gabriel Báthory, prince de Transylvanie, contre les Hasbourg. Pour dissimuler l'action politique de la comtesse et pour éviter ainsi que la famille ne fut compromise, sa famille a préféré qu'elle fut accusée de crimes de droit commun. »
Il semble que ce soit en se basant sur cette théorie que le réalisateur JURAJ JAKUBISKO a conçu son scénario, car il prend le contre-pied de légendes et autres rumeurs pour mieux nous surprendre, cependant il conserve le mystère entourant ce personnage incroyable, et place dans son intrigue des scènes oniriques, et de l'occultisme tiré des superstitions locales, ce qui en fait au final un vrai film fantastique, même si Bathory y est montrée comme une héroîne positive !
La mise en scène est ample et puissante, c'est du grand spectacle, du flamboyant, on rentre à 200% dans le film dés les premiers plans larges (magnifiques vues aériennes sur les ruines du chateau de Čachtice avec toute la Transylvanie en arrière plan), pour ne pas s'ennuyer une seconde durant les 2h20 qui suivent.
Ce n'est pas pour rien si le cinéaste slovaque Juraj Jakubisko (70 ans) est baptisé le "Fellini de l'Est", son « Bathory » est une version très personnelle, à grand spectacle, un film à gros budget qui devient dès sa sortie en République tchèque et en Slovaquie en 2008 le plus grand succès populaire de tous les films en salles.
Les cadrages sont conçus avec art, et la photographie est somptueuse, il y a des images éclatant les mirettes toutes les 30 secondes, c'en est vertigineux.
Le montage fait varier le rythme a merveille, créant toutes sortes d'ambiances différentes en fonction des périodes de la vie et des émotions de l'héroïne. De plus les changements de ton radicaux renforcent cette varièté de style, ce mélange des genres distrayant et surprenant (les aventures cocasses des 2 moines espions avec leurs gadgets anachroniques, les scènes de sorcellerie gothique, la reconstitution historique des batailles, les histoires d'amour passionnées, le mystère, la politique, la folie... waow, quelle richesse thématique).

L'interprétation est évidemment à la hauteur, nous offrant même le caméo somptueux de Franco Néro (pistolero culte du western rital), et l'actrice britannique Anna Friel est parfaite pour le rôle titre. Elle donne beaucoup d'elle même, et on suit le récit de son existence en épousant son point de vue avec une grande identification due à son indéniable talent.
Les décors sont dignes du gothique de la Hammer associé à la démesure d'un Kusturica, et tous les accessoires et costumes d'époques font authentiques, le film donne vraiment beaucoup à voir et à découvrir dans ces domaines.
Les quelques effets spéciaux sont impeccables (fréquents moments sanglants, viellissement par maquillage, pouvoirs de la sorcière), c'est varié et bien intégré à un cadre par ailleurs réaliste.
La musique est belle elle aussi (c'est un sans faute, quoi !), Simon Boswell et ses acolytes ont composé des morceaux tantôt doux, tantôt énergiques, avec des orchestrations plausibles pour l'époque représentée.
C'est donc avec le sourire aux lèvres que je suis sorti de cette séance superbe, la "comtesse sanglante" ayant réussi l'exploit de contredire sa légende tout en la renforçant d'une humanité flamboyante... quel film démentiel réalisé par un grand père septuagénaire, plus vivifiant que beaucoup d'autres faits pourtant par des "djeuns" ! :)