Director: Kevin Smith • Cast: Michael Parks, Melissa Leo, John Goodman
AVIS DU FEFFS
Red State offre, à travers un film d’action, un portrait fin des cultes religieux les plus extrémistes bloqués dans une idéologie de violence. Le personnage d’Abin Cooper est probablement inspiré par le pasteur Fred Phelps. Des membres de sa congrégation ont manifesté contre le film à Sundance mais des contre-manifestants dont Kevin Smith portaient des pancartes avec écrit « je suis un juif heureux ». Le titre du film fait référence à la division politique aux Etats-Unis où les états républicains sont désignés par « rouges » et les états démocrates par « bleus ».
Kevin Smith est né en 1970 dans le New Jersey. Sa filmographie en tant que réalisateur et scénariste comprend Zak and Miri Make a Porno (2008), Jersey Girl (2004), Jay and Silent Bob Strike Back (2001), Dogma (1999), Chasing Amy (1997), et Clerks (1994).
MON HUMBLE AVIS
Après avoir sabordé sa carrière avec plusieurs bides consécutifs (« Zack & Miri makes a porno », la comédie policière « Top Cops»), Kevin Smith change son fusil d’épaule, et se radicalise :
la critique sociale et la férocité acerbe (dont ses comédies ne sont d’ailleurs pas totalement dépourvues) sont mises en avant au détriment de l’humour (qui ne disparaît pas complètement pour
autant).
Le message du film est assez osé, dans le contexte américain actuel, il montre qu’il y a chez les chrétiens des intégristes aussi dangereux, que leurs homologues musulmans (si ce n’est plus),
ainsi que les méthodes musclées (et carrément fasciste car niant tous « droits de l’homme » aux terroristes) du gouvernement pour leur faire face.
De la part d’un réalisateur qui n’est plus en état de grâce à Hollywood, ni même « à la mode » chez le public, c’est une prise de risque assez culottée, qu’il est normal de féliciter.
Et ce n’est pas la seule prise de risque de ce film choral, dont tous les protagonistes peuvent disparaître d’une mort brutale à chaque instant, sans qu’on ne puisse jamais deviner qui a une
chance de se sortir vivant de cette tragique histoire.
Sur ce plan, je précise que je n’ai rien vu de tel depuis la mort du héros dans « Live & die in L.A. » de William Friedkin.
Plus « underground » dans son style, il n’en revient pas non plus au semi-amateurisme de ses débuts, mais juste à une image plus rêche, sans chichi, qui sied admirablement au cadre réaliste qu’il
souhaite créer.
Les cadrages sont malheureusement trop souvent à la caméra portée (pour ne pas dire secouée), histoire de faire reportage pris sur le vif, un
style désormais trop courrant et fatiguant pour l’œil, néanmoins certains effets restent saisissants de dynamisme (par exemple, une tentative d’évasion se transforme en poursuite effrénée, d’un
rythme quasi frénétique).
La photographie naturaliste privilégie les tons bruns, et ocres, ceux de la terre, du bois et de la poussière, avec une légère surexposition pour rendre l’atmosphère
suffocante de cet état (sûrement le Mississipi si le révérend est inspiré de Fred Phelps).
Le montage vif nous embraque dans une identification nerveuse avec les différents protagonistes, collant parfaitement à la tension des moments de peur comme d’action
(très présents).
Une fois l’introduction passée, le seul décor est un huis clôt dans l’église des fondamentalistes, avec son sous-sol bourré d’armes de guerre de contrebande, décor
qui permet une superbe fusillade, grâce à son architecture complexe, multipliant les points de vues.
Rien à signaler question costumes, c’est la crédibilité qui est recherchée.
Les SFX s’autorisent quelques effets gores (numériques), lors des impacts de balles, mais ça reste léger sur ce point.
Le réalisateur n’a plus le budget d’un blockbuster avec Bruce Willis, mais s’offre quand même la présence de quelques stars (John Goodman, Kevin Pollak), entouré d’acteurs très solides bien que
moins connus.
La musique oscille entre accents de country locale et chorale religieuse, mais est peu présente, le personnage le plus associé à la musique étant curieusement le prêcheur.
En conclusion, Kevin Smith n’a rien perdu de sa verbe, certains passages sont encore racontés plutôt que montrés (cf la conclusion), ni de ses dialogues-vérité iconoclastes, qui font le charme de
son style pince-sans-rire, et le métrage a une certaine force dû au « jusquauboutisme » du scénario et à la volonté de surprendre du réalisateur.
Je le conseille donc vivement (sauf aux bigots bien entendu) !