THE VILLAINESS
Pays : Corée du Sud
Année : 2017
Durée : 2h09
Réalisation : Jung Byung-gil
Production : Jung Byung-gil
Scénario : Jung Byung-gil, Jung Byeong-sik
Photographie : Park Jung-hun
Montage : Heo Sun-mi
Musique : Koo Ja-wan
Interprétation : Kim Ok-vin, Shin Ha-kyun, Bang Sung-jun
L’AVIS DU FEFFS :
The Villainess s’ouvre sur le postulat classique de la tueuse professionnelle qui a envie de raccrocher, de l’assassin qui essaie de sortir de sa condition par amour
mais finit rattrapé par son passé.
Si la trame est connue, le cinéaste Jung Byung-gil s’attache à livrer un objet formel incroyablement abouti. La scène d’ouverture, et son bain de sang en caméra
subjective, a notamment stupéfié le public cannois lors d’une mémorable séance de minuit. Le film est ainsi ponctué de formidables morceaux de bravoure pour les fans de cinéma d’action
décomplexé. Si toutes les histoires ont été racontées, on peut toujours compter sur le cinéma coréen pour proposer une nouvelle manière de faire vivre les grands récits.
MON HUMBLE AVIS :
Nikita de Luc Besson a déjà été remake par les américains, et même décliné en série télé, mais ici seul le pitch de départ et quelques scènes clefs ont été repris,
pour un résultat dépassant tellement son modèle qu'on peut davantage parler d'hommage que de copie.
Le message du film est de ne faire confiance à personne, de ne compter que sur soi même, et de rendre coup pour coup, plus nihiliste c'est impossible.
La réalisation est vraiment virtuose, alliant l'intensité dramatique, le suspens, le plaisir d'une action décomplexée et immersive, pour un cocktail vraiment
savoureux, malgré sa noirceur.
Les cadrages proposent d'interminables plans séquences en caméra subjective, ou le spectateur voit l'action par les yeux de l'héroïne comme dans un jeu vidéo, mais
avec des mouvements totalement impossible pour un cadreur, parfois il s'agit d'une rue, autrefois d'un drone, souvent de bidouillages infographique, le tout assemblé comme un seul plan
!
On suit ainsi, entre autres morceaux de bravoure, un combat aux sabres au milieu d'une poursuite à motos, avec la caméra qui tourne autour des protagonistes, allant
même jusqu'à passer sous les roues d'un des engins, fabuleux.
Des cadres plus conventionnels entre les scènes d'action nous rappellent que pour apprécier des montagnes russes il faut savoir doser les pousses d'adrénaline,
contrairement par exemple au film "" qui usait de ce procédé non stop en fatiguant son spectateur.
La photographie très professionnelle use de tons froids, insistant sur l'inhumanité des personnages.
Il y a aussi de forts contrastes, avec des éléments agressifs (des touches de rouges au milieu d'images bleues par exemple).
Les images sont parfaitement éclairées, et toujours lisibles, malgré l'agitation et les nombreuses scènes nocturnes.
Le montage est dégraisse au maximum, il n'y a aucun temps morts, il est impossible de s'ennuyer.
Dès l'écriture du scénario, des choix ont été faits pour maintenir l'attention du spectateur en éveil, comme par exemple le montage alterné entre passé et présent :
au lieu de raconter l'action dans l'ordre, ou bien de placer un long flash-back qui ralentirait le déroulement de l'histoire, le passé de l'héroïne est morcelé au fil du récit et parfaitement
intégré à ce qu'elle vit.
Du coup, ce montage alterné renforce à la fois le mystère, et l'action puisqu'on suit parfois des bagarres passées en même temps que les présentes !
Les décors urbains sont réalistes et assez commun, ça se passe à Séoul mais ça pourrait être ailleurs.
Des sous-sols, des appartements, des restaurants, des rues, rien d'exceptionnel, seul une maison de passe avec des courtisanes en tenues traditionnelles nous
rappelle que nous sommes en Corée.
Par contre, signalons que de nombreux éléments du décors servent au chorégraphies martiales, comme les portes, fenêtres, climatisations murales, etc...
De plus, l'exiguïté de certains lieux (un couloir, un bus) permettent des bastons assez tendues, qui ont dû être de véritables casses-têtes à filmer.
Les costumes sont réalistes, rien a signaler de ce côté de bien extravagant, seule le personnage de la collègue garce à une tenue de Bad ass légèrement too much (et
encore le temps d'une seule scène), les autres sont crédibles.
Les sfx sont très nombreux, et quasiment invisibles, c'est du travail de précision.
Ils consistent donc surtout a rajouter virtuellement les lames absentes des chorégraphies, les giclées de sang, les raccords entre les morceaux de plans séquences
"impossibles" obtenues de façon diverses, quelques doublures numériques pour des cascades ou chutes mortelles.
La rapidité du montage et l'intensité dramatique fait le reste, mais les effets spéciaux sont vraiment impressionnants, on voit bien que la Corée a progressé ces
dernières années sur ce terrain, avec ses sociétés de SFX, en bossant sur des films hollywoodiens.
Le casting est le point fort du film, l'héroïne étant particulièrement attachante malgré sa férocité de psychopathe.
Les seconds rôles sont tous parfaitement décrits par le script, et brillamment interprétés avec des nuances qui en font des êtres ni tout blancs ni tout
noirs.
Le faux-mari est une idée brillante qui rajoute un suspens romantique en plus du suspens martial.
Machin, le frère du réalisateur Bidule, est sidérant dans son rôle ingrat, cet acteur à décidément un parcours sans faute : filmo.
La musique ne fait aucune faute de goût, plutôt que de paraphraser l'action par du Mickey-Mousing (comme dans tellement de blockbusters), elle joue sur un autre
registre, insistant davantage sur les émotions intérieurs des protagonistes que sur leurs mouvements corporels.
Elle intensifie donc le drame, le suspens, la colère, etc... avec une grande sobriété symphonique.
En conclusion, ce film efficace déroule son scénario plus riche que ce qu'on attendrait de prime abord dans une maestria visuelle détonnante, pour atteindre parvenir
à nous émouvoir au milieu de bains de sang totalement dégénérés !
Plus fort que The Raid, plus dramatique que Nikita, et plus dark que jamais, c'est un "ride" qu'il ne faut pas rater.