THE WOMAN
USA • 2011 • horror • 1h40 • colour • digital • VO Eng/ST Fr
Director: Lucky McKee • Cast: Pollyanna McIntosh, Sean Bridgers, Angela Bettis
AVIS DU FEFFS
La femme évoquée par le titre est la dernière survivante d’un clan qui a erré sur la côte nord-est des Etats-Unis depuis des décades. Elle demeure seule, gravement blessée et vulnérable, devenant
alors une proie très facile pour un chasseur du coin, Christopher Cleek, par ailleurs avocat brillant et père de famille sérieusement perturbé. Poussé par ses idéaux tordus, Cleek s’embarque dans
un projet détraqué, celui de capturer et « civiliser » cette femme – une décision qui bientôt mettra en danger les vies de tous les protagonistes.
McKee pénètre dans les dynamiques d’une famille en apparence idéale, pour révéler un père et un mari charismatique mais dérangé, et l’emprise tyrannique qu’il exerce sur sa femme et ses enfants.
Les femmes sont les victimes d’une violence sexiste dans cette famille extrêmement déséquilibrée, mais ce sont précisément les femmes, y compris la captive, qui sont douées d’une endurance et
d’une force morale supérieures, menant le film vers un dénouement étonnant. Controversé, dérangeant et magnifiquement interprété, The Woman est un film profondément féministe, basé sur le roman
du même nom, co-écrit par Jack Ketchum et Lucky McKee.
Lucky Mckee est né en Californie en 1975. Il a réalisé Red (2008), The Woods (2006) et May (2002).
MON HUMBLE AVIS
Ce film est co-écrit avec l’écrivain de polar gore Jack Ketchum, sûrement, d’après Stephen King, « l’écrivain le plus effrayant des USA », The Woman porte bien son titre, la femme, c’est tout le
sujet du film.
Il y a un message qui peut être considéré comme assez féministe, puisqu’il décrit la force de volonté des femmes, ici confrontées à tous les pires abus de la misogynie machiste, on trouve donc
différents styles de femmes dans différentes situations extrêmes (soumission, viol, inceste, sauvagerie, etc…)… c’est tellement malsain qu’on peut y voir en fait tout le contraire, à force, comme
le plaisir sadique d’un réal macho proposant du voyeurisme en guise de critique… c’est là toute la difficulté de dénoncer quelque chose, il ne faut pas non plus en faire de trop.
La réalisation de Lucky McKee est plus aboutie et plus maîtrisée que pour ses opus précédents, le surestimé « May » ou le remontage catastrophique de « The Woods », mais elle est encore
incertaine dans ces choix sur l’implication du public (cf la fin trop dense, qui sombre dans le ridicule, et perd toute la densité élaborée auparavant).
Les cadrages sont principalement sur pied, sur grues ou sur rail, mais jamais en « shakycam », ils sont bien composés, et jouent sur la profondeur de champ, ou le hors cadre, avec efficacité et
un sens visuel évident.
Il y a différentes valeurs de plan variées, et dans l’ensemble de belles compositions, permettant la compréhension de la géométrie du décor, comme de profiter du jeu des acteurs.
La photographie est magnifique, toujours lisible (même de nuit), de jolies lumières paraissant naturelles, mais savamment améliorées avec
goût.
Les couleurs de la forêt, d’une maison à la campagne, insistent sur l’aspect viscéral et charnel du récit.
Le montage est correctement agencé, on trouve d’abord beaucoup de fondus, lors de l’exposition initiale, puis ça devient plus classique.
Il y a une accélération lors du pétage de plomb final, jusqu’à un rythme frénétique, avant finalement un retour au calme « champêtre ».
Les décors se constituent essentiellement de la cave de la prisonnière, de la maison de la famille soumise du macho tortionnaire, du lycée et de son voisinage, ainsi
que la forêt, mais il y a finalement assez peu de lieux hors du huis clôt principal.
Les costumes sont un tantinet datés, les personnages ressemblent à des coincés rétros, c’est volontaire, pour montrer le côté décalé de cette communauté familiale en
apparence « bien sous tout rapport », mais en fait pourrie de l’intérieur, prisonnière du règne dictatorial de son patriarche violeur.
Le look de la prisonnière de la sauvage est génial, elle est curieusement sexy en haillon, puis pathétique en robe de « poupée sexuelle ».
Il y a beaucoup de SFX gore mais ils sont malheureusement très grand guignol, Kurtzman (de KNB) aurait sûrement pu faire plus réaliste au vu de son expérience, donc
c’est un choix (étrange) du réalisateur… ça casse la crédibilité, et sombre dans la farce, c’est bien dommage.
Mais on peut aussi signaler Angela Bettis, qui joue la faible femme soumise qui se révolte trop tard, elle a un jeu tout en subtilités, qui fait énormément s’interroger le public sur les intentions de son personnage…
Les jeunes gens sont épatants aussi.
A noter quand même, la performance charismatique du seul homme, Sean Bridgers, dans ce rôle difficile de connard absolu, assumé avec mæstria, sans aucune demi-mesure.
Il y a de très belles chansons pop rock, judicieusement placées, mais pas de BO marquante, juste des atmosphères glaçantes par ci par là.
En conclusion, c’est dommage, McKee a voulu trop en mettre, « pour concurrencer le cinoche européen hardcore » selon ses propres propos sur scène du FEFFS 2011, sur la dernière partie, où en restant concentrée sur son héroïne, dans une intrigue plus simple, il aurait pu obtenir davantage de puissance émotionnelle.
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