Le Vampire de Düsseldorf

 

« Le Vampire de Düsseldorf » est un film franco-hispano-italien réalisé par Robert Hossein et sorti en 1965.

 

Au début des années 30.

L'Allemagne de la République de Weimar est au bord de la guerre civile.

Les Nazis commencent à semer la terreur, renforçant et exploitant le sentiment d'insécurité qui étreint le pays.

A Düsseldorf, un mystérieux individu épouvante la population en multipliant les assassinats.

Loin d'être un dément, le criminel est un citoyen des plus ordinaires, un ouvrier nommé Peter Kurten.

Cet ouvrier est amoureux d’Anna, une chanteuse de cabaret qui devient sa maîtresse…

 

·         Réalisateur : Robert Hossein

·         Scénario : Claude Desailly, Robert Hossein, Georges Tabet et André Tabet

·         Dialogues : André Tabet et Georges Tabet

·         Production : Georges de Beauregard et Benito Perojo

·         Directeur de production : René Demoulin

·         Décors : Pierre Guffroy et François de Lamothe

·         Photographie : Alain Levent

·         Ingénieur du son : Guy Chichignoud

·         Montage : Marie-Sophie Dubus

·         Musique : André Hossein

 

Le film est basé sur la vie du véritable « Vampire de Düsseldorf », Peter Kürten, qui avait déjà inspiré Fritz Lang pour son film « M le maudit », sorti en 1931 (dont la première eut lieu à Berlin le 11 mai, trois semaines après la condamnation à mort de Kürten).

Pendant son interrogatoire, il a avoué près de 80 crimes (dont des fillettes de 5 ans).

Il reconnaît même avoir bu le sang de certaines de ses victimes.

Il est jugé coupable et condamné à mort.

Il est guillotiné le 2 juillet 1931 à Cologne.

Sur l'échafaud il demande :

« Dites-moi, quand ma tête aura été coupée, pourrai-je toujours entendre, au moins un instant, le bruit de mon sang jaillissant de mon cou ?

Ce serait le dernier des plaisirs ! ».

 

Avec le temps, « M le maudit » est devenu un classique reconnu, rivalisant avec les autres œuvres de Lang pour le titre d'œuvre maîtresse. C’est un magistral exercice de style, un modèle absolu de mise en scène, considérée comme une mise en équation de tous les éléments constitutifs du film.

Le moindre détail y est chargé de sens, les plans s'imbriquent selon un ordre infaillible.

Alors que le choix du titre, tout comme la description historique de l’Allemagne de Weimar en introduction (images d’archives à l’appui),  laisserait entendre une description précise et documentaire de la vie d’un tueur, Robert Hossein et ses coscénaristes ont préféré développer leur propre fiction, avec ce tueur qui tue essentiellement des femmes et non plus aussi des enfants comme dans la réalité et le film de Fritz Lang. 

Cette version prend donc de grandes libertés, et invente un personnage aussi repoussant que captivant…

 

La réalisation saisit l’énergie de la Nouvelle Vague et l’esprit romantique d’un Truffaut, tout en étant mâtinée de l’influence nourrie par le cinéma expressionniste allemand des années 20 et 30. 

 

Les cadrages sont très précis, jouant souvent sur les points de vue, ou sur des recadrages dans le cadre (porte entrouverte, trou de serrure, etc)…

Ils privilégient les grands angles dans les cabarets bondés et autres rassemblements ouvriers, ou dans les ruelles obscures, les gros plans sont davantage utilisés pour les expressions des acteurs.

 

La photographie propose un noir et blanc absolument superbe, avec des contrastes forts, comme pour insister sur la dichotomie du bien et du mal, et les pertes de repères du personnage principal (comme de la société qui l’entoure, sombrant dans le nazisme).

 

Le montage est plutôt lent, insistant sur les techniques d’approche psychologique du prédateur.

Beaucoup de scènes ont lieu durant la vie nocturne, le personnage travaille le jour, et erre la nuit, le rythme posé du montage restitue aussi la dilatation de sa perception du temps.

 

Les décors restituent correctement l’époque, par ses lieux de débauche à la mode, ses grandes avenues inquiétantes à la nuit tombée, et ses petits appartements étriqués.

 

Les costumes font dans la reconstitution réaliste.

On voit les différences de classes sociales, les uniformes de la police montée, comme ceux de l’armée clandestine, la « Reichswehr noire »…

Le point le plus intéressant au sujet des costumes concerne notre anti-héros : en effet, force est de constater qu’une des influences du film est « Docteur Jekyll et Mister Hyde », mais dans une construction inversée, puisque l’humble ouvrier devient un tueur sanguinaire une fois qu’il est habillé en bourgeois ! 

 

Il n’y a pas vraiment d’effet spéciaux dans ce film, lorsque les meurtres ont lieu c’est toujours de loin, ce qui ne nécessite aucun maquillage.

 

Le casting est relativement efficace, personnellement j’ai trouvé que Marie France Pisier surjouait par moments, mais les seconds rôles sont plus crédibles (faisant la part belle à la gent féminine).

Le réalisateur a par contre trouvé comment interpréter parfaitement ce type passepartout avec une fêlure sous-jacente.

Robert Hossein est quasiment mutique, rendant d’autant plus improbable le déferlement de violence de son personnage.

 

La bande originale signée par André Hossein, père du réalisateur et acteur principal de ce film, n’est pas toujours très adaptée aux ambiances glauques et tragiques de l’histoire.

Elle illustre mieux les atmosphères de la vie nocturne.

On y retrouve pour la première fois dans une interprétation de bande originale la chanteuse Pia Colombo.

 

En conclusion, il ne faut pas voir dans ce film un remake de « M le maudit », même s’il part de la même histoire vraie, il développe son propre récit, et sa propre description du contexte politique et social.

Sa photo magnifique, et son interprétation troublante mérite amplement le coup d’œil, même si son rythme est forcément un peu trop lent pour le public actuel.