Masterclass John McTiernam
(Interviewer : Jean-François Rauger
de la Cinémathèque Française)
McT commence par se plaindre de son fauteuil, dans lequel il est effectivement avachi, trouvant qu’il ressemble à un vieil ours sur les photos officielles du FEFFS !
Il explique que tout le monde a sa version de ce qu’est un bon film.
Il a toujours voulu être un artiste, et s’est d’abord intéressé au théâtre, mais il faut des soutiens financiers pour y arriver.
Il a appris le montage avant tout, surtout en regardant « La nuit américaine » de Truffaud 30 fois de suite (il était plus intéressé par les réalisateurs européens des années 60 & 70).
Les studios américains avaient alors des règles stupides, notamment concernant le montage…
Pour Die Hard, il a engagé le monteur de Robocop, Frank J Urioste.
Ils ont cherché comment passer d’un plan mobile à un plan fixe, et inversement, et même comment monter des plans mobiles entre eux (ce qui ne se faisait alors pas, et est finalement la marque de fabrique des films de McT)…
Urioste avait une formation musicale, il a ressenti que les plans avaient en eux des clefs, comme en musique, permettant de les enchaîner entre eux en harmonie, et cela au feeling.
Sur Red October, McT a engagé le monteur du Parrain et de Deer Hunter, Peter Zinner.
Mais malgré tout son indéniable talent, Zinner ne savait pas quoi faire avec tous ces plans mobiles, et McT dut le virer à contrecœur.
Avec le contrôle de la couleur ce fut pareil, à son apparition les réals étaient tributaires des labos pour leur rendu, et ne pouvaient donc pas l’exploiter de façon signifiante, mais quand techniquement ils en eurent le contrôle, ils commencèrent à en user en lui donnant du sens…
C’est pareil avec les plans en mouvements et le montage.
Il y eut un avant et un après McT !
Son style révolutionna la façon de tourner un film d’action, puis un film tout court d’ailleurs…
On trouve beaucoup d’allusion à la musique classique dans sa filmo, et Tiernam utilise bien une structure musicale dans sa réalisation.
Il a un énorme respect pour Stanley Kubrick (mais cette déclaration était peut-être renforcée par la présence de la fille du réalisateur Katharina dans le public).
Sur la question du réalisme, Jean-François Rauger fait passer en guise d’exemple une scène de Die Hard 3 où McLane traverse Central Park en taxi.
McT a vécu à NY, il a donc placé des tas de détails pour faire véridique, dans la déco comme avec les figurants.
S’il a choisi de refaire un Die Hard à l’échelle de toute une mégapole, c’est pour clouer le bec aux imitateurs qui considéraient qu’il suffisait d’un endroit clos pour piquer la recette (Piège en haute mer par exemple) !
Ce qu’il trouve divertissant dans un film, c’est d’aller où on a jamais été dans sa vie réelle.
Par contre, au grand dam de Rauger proposant cette analyse, McT n’aimait pas les cartoons enfant, pourtant sa filmo tient en effet autant du cartoon que du réalisme, et c’est même le grand écart entre les deux qui en fait la particularité.
Pour McT, c’est surtout le personnage-narrateur, celui par lequel le public rentre dans le récit, qui est le plus important pour obtenir la suspension d’incrédulité (nécessaire par exemple aux exploits bigger than life).
Quand il s’agit d’un film Pop-Corn, il faut que le héros en soit conscient, et qu’il en joue avec le public comme un clin d’œil subtil, et ce dès les quinze premières minutes.
Le cinéma est l’art de notre époque, mais il y a un conflit entre tout véritable artiste cinéaste et les studios hollywoodiens, qui sont avant tout une machine industrielle.
McT reconnait avec humilité qu’il n’a pas été capable de couper les ponts à temps avec les studios (je rappelle qu’il a fini sa carrière en prison pour avoir mis sur écoute son producteur, et est désormais persona non grata à Hollywood), contrairement à certains autres réals qu’il respecte comme Kubrick encore une fois.
Rauger fait diffuser un second extrait, cette fois du film Thomas Crown, dont la musicalité et la chorégraphie sont une métaphore prouvant que le cinéma est bien un art malgré sa reproductibilité.
McT n’avait pas envie de tourner les trente pages de techno-blabla du scénario expliquant le procédé du dernier vol, à la place il a préféré insister sur la romance, et sur le final où « le renard se moque du fermier », parce que c’est ce qu’attend le public avant tout.
Avec McT le spectateur est toujours placé au milieu de l’action par un personnage observateur.
Il nous partage aussi son meilleur souvenir du tournage de Predator, lorsqu’ils ont utilisé un singe en tenue rouge pour le remplacer en post-prod par l’extraterrestre, une catastrophe qui s’est terminé par la colère simiesque et la projection de ses excréments sur l’équipe !
Le film Die Hard 3 commence et se termine sur le même lieu de tournage, pour des raisons pratiques et économiques.
McT a écrit une séquelle à Thomas Crown, mais le studio n’était pas intéressé.
Sean Connery n’était pas très partant pour parler russe dans Red October.
McT commence toujours par faire parler les personnages dans leur vraie langue, avant de revenir à l’anglais pour tous, une fois qu’on a compris leur origine, il pense que le pacte de suspension d’incrédulité passé avec le spectateur grâce au personnage narrateur lui permet ainsi de faciliter la vision du film et le rend donc plus divertissant.
McT est en quelque sorte en retraite anticipée, mais il aurait trois films qu’il regrette de ne pas avoir pu encore réaliser, dont l’un de SF, et une autre sur les guerres indiennes.
Sur Predator, il a choisi Carl Weathers car il s’est démontré un acteur excellent sur Rocky, afin de monter le niveau d’Arnold car ce dernier est si compétitif qu’il essaie toujours d’atteindre les capacités de ses partenaires.
Le film favori de McT est Thomas Crown grâce à la confiance accordée par le studio.
Sur la question de l’humour dans ses films, surtout dans les Die Hard, McT répond qu’il les a conçus comme des comédies Shakespeariennes.
Cette masterclass était passionnante, même si McT était parfois incapable de répondre à certaines questions par manque de mémoire sur les évènements les plus anciens.
De même, le modérateur Rauger faisait beaucoup son critique intello français, comme il l’a reconnu lui-même, reprenant même la parole pour étaler ses (sur)analyses (parfois fumeuses) même lorsqu’on avait déjà donné la parole au public pour poser ses questions…
C’était globalement un très bon moment, où on a appris plein de détails sur la carrière de McT, et qui s’est terminé par les autographes de rigueur.
Un grand merci le FEFFS !
Voici la liste des autres films vus par la Gonel Zone :