RED EAGLE

 

pays de production : Thailand
année de production : 2010
durée : 130
genre : science-fiction, action
réalisateur : Wisit Sasanatieng
scénario : Wisit Sasanatieng
distribution : Ananda Everingham, Pornwut Sarasin, Wannasing Prasertkul.

AVIS DU NIFFF

Le quatrième long-métrage de Wisit Sasanatieng réactualise une figure populaire de Thaïlande qui avait fait les beaux jours du petit écran dans les années 1960. Avec sa patte graphique unique, Sasanatieng livre un film d'action violent et jusqu'au-boutiste, doté de scènes de combat impressionnantes. Laissez-vous entraîner par The Punisher version thaï !

MON HUMBLE AVIS

Insee Daeng (Red Eagle) est un personnage d’une série de films des années 50 et 60.
Cette saga est à propos d’un vigilant masqué, combattant le crime, qui fût interprété par une grande star de l’action Mitr Chaibancha.
Ensuite, il y eut une série télé en 1998, elle-même débouchant sur une trilogie au cinéma en 2003.
Le personnage fût créé par l’écrivain Sek Dusit, inspiré par Rock Hudson, et sa première aventure a été publiée en 1955.
Ce nouveau film voit donc le retour d’un personnage très célèbre en Thaïlande.
Plus étrange par contre fut l’échec du film au box office local, mais peut être est-ce du à de trop grandes libertés prises avec le personnage ?...

2016, Bangkok. La peur règne sur la ville, rongée par le crime et la corruption. Mais de ce chaos jaillit un héros masqué: Red Eagle ! Confronté à une confrérie de politiciens véreux, il décide de nettoyer la capitale de ses rats. Cependant, lorsque ses ennemis mettent un assassin sur ses traces et que la police décide de le pister, les choses se compliquent pour notre vigilante...

On peut faire un parallèle entre cette histoire et celle développée par le manga « Akumetsu » où un super héros anarchiste pratique aussi le terrorisme envers des politiciens corrompus.
Le message du réalisateur est profondément écologique, et anti-nucléaire.
De plus il semble remonté contre la corruption généralisée du système politique de son pays.
On peut alors citer l’interview télévisé montrée lors de l’introduction du film, où un analyste prétend qu’ « il y a un héros en chacun de nous »… le thème du super héros, très à la mode dans nos multiplexes, va donc lui permettre de transmettre son message à un large public.
Wisit Sasanatieng avait déjà parlé de politique (et d’écologie) dans son précédent film « Citizen Dog », contre la société de consommation, et réalisé des images léchées, comme dans son film « Les Larmes du Tigre Noir » où son cow-boy avait déjà tout du super héros.

C’est donc un sillon tout à fait logique que trace ce réalisateur avec son parcours, mais ses bonnes intentions suffisent-elle à donner un bon film, et un bon film d’action, le genre super héroïque étant très calibré ?...
Il utilise des cadrages très serrés, de nombreux gros plans, la caméra restant près des corps lors des mouvements et même pendant les chorégraphies de combats.
Ce point explique peut être déjà l’échec du film auprès du public thaï car il est habitué à des cascades et des arts martiaux de grande qualité, notamment en prises de risques… rappelons par exemple que Mitr Chaibancha, l’acteur originel du personnage de Red Eagle, trouva la mort lors d’une cascade en hélico pour la série, c’est dire !

Aussi, voir ces combats en câbles et effets numériques, mal filmés (cadré trop près, on ne voit pas les mouvements, les positions respectives, etc…), on pût suffire à faire bouder le film aux thaïlandais (en plus du sous texte politique que ce héros culte n’avait pas l’habitude de véhiculer).

Les cadrages utilisent rarement les plans larges car des extensions de décors en synthèse nous prouvent que ces derniers n’étaient pas assez vastes pour retranscrire les choix du metteur en scène.
De même, le cadre cache souvent des trucages à même le plateau (comme le véhicule tractant la moto pour faire croire que l’acteur est entrain de rouler par exemple), et beaucoup de cadres serrés sont dus à des astuces de ce genre.

La photographie (point fort absolu de la filmo de Wisit Sasanatieng) est contrastée, bleue sombre avec des pointes de rouge (comme le costume du héros), tout cela renforcé bien sûr par un étalonnage numérique.
Il y a quelques scènes courtes qui marquent une différence en privilégiant les tons blancs ou jaunes, mais la dominante bleue est bien là.

Le montage est speed dans les nombreuses bastons, et il y a beaucoup d’action, en caméra portée pour rajouter du mouvement (astuce facile et nuisant elle aussi à la lisibilité des combats).
Par contre, le montage est aussi calme que celui d’une série télé lors des dialogues.

Les décors sont principalement modernes et urbains (à part pour un flash-back militaire en pleine jungle).
On trouve une scène de fight sur des toits assez impressionnante en termes de décor, une scène de poursuite à la Mad Max sur un autoroute, et un combat intense dans les toilettes d’une boîte branchée.
Les dialogues ont lieu pour la plupart dans le QG du héros, un entrepôt frigorifique contenant des sculptures sur glace (ce qui nous offre une image saisissante lorsque l’une d’elle est recouverte de sang), au bureaux de la police dans des pièces de building tout en vitres, ou dans la luxueuse reconstitution d’un ministère.

Le principal costume est bien sûr celui du super héros, bicolore donc, noir avec un masque rouge, et qui influence tout le décor comme la photographie.
Le super vilain masqué a lui aussi un look intéressant avec sa cagoule, sa cape, et son sabre de fantasy, il a l’air vraiment gothique.
La société secrète « Matulee » qui l’emploie comme tueur à gages fait porter à tous ses membres un masque de démon tiré des mythologies traditionnelles locales.

Les SFX nous donnent à voir un superbe générique à la James Bond, qui reprend l’idée que Tim Burton avait eu pour son premier Batman, à savoir faire parcourir les détails du masque en très gros plan avant de s’éloigner pour le présenter dans son intégralité.
Il y a beaucoup d’effets spéciaux dans le film lui-même, comme cette tête décapitée qui continue de fumer sa clope en tombant au sol, ou ses os fracturés visualisés en radio au milieu des bagarres, les extensions de décors déjà évoquées (et les faux effets de vertiges sur les toits), mais aussi les « psycho-bots » en synthèses s’infiltrant sous la peau, comme des tas d’objets (hélicos, armes de jets, balles,…) fait eux aussi en synthèse, sans compter des flammes de tirs, impacts sur les murs, et autres destructions en 3D, ainsi qu’un « faux effet » de pause à la Matrix bricolé comme on peut, avec malheureusement pas assez d’appareils numériques pour faire correctement le tour du personnage (comprenez que le mouvement est alors haché au lieu d’être fluide) !

Les acteurs sont pas mal, on notera surtout ce (trop) jeune flic au look d’ado pré pubère, parvenant à rendre son personnage crédible par son jeu, malgré qu’il n’est absolument pas le physique de l’emploi, et surtout sympathique, marrant et charismatique.
C’est lui qui a des scènes cocasses avec l’actrice principale, que l’on retiendra finalement, dommage que leur relation soit sous exploitée.

La musique fait dans le rock et la techno pour les scènes musclées, en alternance avec de la pop soul dans un style années 60 très James Bond, ce qui est propre aussi au vieux cinéma thaïlandais (dont Wisit Sasanatieng est friand).
La chanson superbe du générique de début, avec sa voix féminine très grave, fait penser aux tubes de Shirley Bassey « Goldfinger », « Diamonds are forever », ou « Moonraker ».

En conclusion, ce film m’a paru tout à fait distrayant, quoiqu’en ont pensé les thaïs, et on attend la suite puisque son histoire reste inachevée, tous les enjeux narratifs restant à poursuivre…
C’est même avec impatience que l’on espère cette suite (improbable vu les recettes de ce premier opus), rien que pour voir jusqu’où Wisit Sasanatieng va aller dans ses accusations vis-à-vis du système politique de son pays.