THE HANDMAIDEN
Réalisé par Park Chan-wook
South Korea - 2016
Première suisse
avec Kim Min-hee, Ha Jung-woo, Kim Tae-ri
144’ - korean st en/fr - 16 ans

L'Avis du NIFFF :
Corée, années 1930.
Une riche Japonaise vit recluse dans un manoir.
Lorsqu’une ravissante Coréenne est engagée pour la servir, la maîtresse de maison se dit qu’elle pourrait enfin échapper au traitement que lui inflige son oncle, un admirateur du marquis de Sade...
Grand habitué du NIFFF, l’esthète Park Chan-wook revient avec un thriller érotique aux splendides mouvements de caméra, qui illustre intelligemment la supériorité des femmes sur les hommes.

Mon Humble Avis :

Ce film se situe durant l'occupation de la Corée par le Japon, il mélange arnaque, romance, et fresque historique.

Le message est subtil, car le film est loin d'être manichéen : les japonais sont l'occupant, et les coréens les occupés, ce qui fait d'eux les victimes à priori, de même il y a de fait une lutte des classes, avec les pauvres opprimés et les riches croulant sous l'opulence, mais l'héroïne coréenne est loin d'être une sainte puisqu'elle se fait passer pour une servante dans le but d'escroquer la candide et naïve japonaise, qui n'a jamais été libre de son destin...
Du moins dans la première partie de l'intrigue !

La réalisation classiques de Park Chan Wook use d'un académisme maniéré, rehaussé des possibilités techniques les plus modernes.

 

Les cadrages préfèrent les plans larges qui situent les personnages dans des décors somptueux.
Des travellings et des panoramiques lents et élégants peuvent survoler l'action, tandis que des gros plan surprendre la moindre changement d'attitude.
Notons ce plan incroyable de caméra subjective vue depuis un sexe féminin, qu'une langue s'apprête à honorer !

La photographie use de couleurs chaudes et éclatantes.

Le montage est plutôt tranquille, le film prend son temps à placer l'exposition des enjeux, puis à developer son intrigue...
Les plans sont longs, le cadre pouvant évoluer par un mouvement subtil.

 

Les décors reconstituent l'occupation japonaise, on y ressent tout d'abord la misère de l'après guerre.
La propriété où vivent les occupants est absolument magnifique, dans son mélange de styles architecturaux.
Les décors regorgent de détails et d'accessoires divers, preuve d'un maniérisme fétichiste dans la recherche pour la reconstitution.
Certains accessoires japonais sont vraiment sublimes, comme les tissus des kimonos par exemple.
Les boiseries sont nombreuses et raffinées, le film a de tels décors gothiques qu'il fait parfois songer à une vieille production de la Hammer.
Il y a aussi de superbes voitures d'époque.

Les costumes d'époque sont sobres, leurs teintes choisies pour s'intégrer parfaitement au camaïeu des décors (brun le plus souvent).

Les sfx permettent des extensions numériques de décors.

 

Le casting intègre deux jolies jeunes femmes, et développe entre elles un érotisme délicat.
Les deux actrices principales ont toutes deux des rôles difficiles et complexes à jouer (sans compter le tabou de l'homosexualité en Asie).
L'oncle japonais bibliophile est un personnage intriguant, malheureusement peu exploité dans la première partie...
Mais qui va prendre toute son importance ensuite, lorsque le film aborde plus directement le sadomasochisme nippon...

La musique discrète utilise des instruments traditionnels mêlés à du symphonique inquiétant.
Lors des moments de désir érotique le réalisateur préféré le silence, et insister sur les sons charnels, dus aux mouvements des corps et aux respirations.
Piano et violoncelle sont les instruments classiques les plus utilisés dans la BO, comme souvent en Corée.
La flûte japonaise est le choix pour illustrer la folie, avec des airs évoquent la BO de Ran de Kurosawa.

 

En conclusion, ce film particulier et difficile d'accès propose une vision toute personnelle de la relation entre la Corée et le Japon, en la décrivant au travers de parallèles sexuels, comme le désir, la jalousie, et une étrange attraction/répulsion, domination/soumission SM, et cela au travers d'un univers visuel tout à fait fascinant.
Nul doute qu'il fera débat, et divisera sûrement les fans de Monsieur Park...
Personnellement j'ai beaucoup aimé (je ne lui reprocherai que sa lenteur et sa construction alambiquée), grâce à son érotisme séduisant, et à l'ampleur de ses qualités plastiques.