THE LURE
Poland - 2015
Première suisse
avec Marta Mazurek, Michalina Olszanska, Kinga Preis
92’ - polish st en/fr - 16 ans
L'Avis du NIFFF :
Le film
Silver et Golden, deux sirènes, intègrent une famille de musiciens dont le groupe, The Figs and Dates, assure chaque soir l'animation d'une boîte de nuit à Varsovie.
La nouvelle de la véritable identité des deux sœurs ne tarde pas à se répandre dans les ruelles de la capitale polonaise.
La fascination qu’exercent les deux sœurs vampirise autant leur public que leurs proches.
Tandis que Silver s'amourache d'un jeune musicien, Golden peine à refouler sa nature assassine et à assouvir sa faim de chair humaine...
Véritable odyssée esthétique, The Lure séduit autant que ses deux protagonistes.
Agnieszka Smoczyńska livre un premier long métrage hybride dans lequel elle rassemble les genres pour proposer une relecture innovante de La Petite sirène d'Andersen.
Inclassable mais assurément envoûtant, le film jouit d'une géniale musique électro-pop du groupe Ballady I Romanse, qui accompagne le délice acidulé que nous offre la réalisatrice
polonaise.
Une sublime balade dans une Varsovie rétro-glam, éclairée aux néons.
La réalisatrice
Née en 1978 à Wrocław, en Pologne, Agnieszka Smoczyńska obtient des diplômes académiques dans différentes universités, dont la prestigieuse Wajda School.
Son talent ne tarde pas à porter ses fruits puisqu'elle obtient de nombreux prix et bourses nationales.
Ses courts métrages Kapelusz, 3 Love et Aria Diva parcourent le circuit des festivals internationaux avec succès.
Avec The Lure, elle réalise, non sans difficulté compte tenu de la nature du projet, son premier long métrage.
Mon Humble Avis :
Comédie noire, film d'époque, érotisme latent, comédie musicale dansante, film fantastique sombre, satire sociale, il y a tout cela dans ce film original.
Le message traite de la condition féminine, de la difficulté d'assouvir ses pulsions et fantasmes, mais aussi du désir, de la jalousie, et de l'utopie de l'amour...
La réalisation enlevée et hypnotisante de ce film est une petite merveille de savoir faire.
Les cadrages sont en caméra portée, mais non secouée façon reportage pour autant.
Il y a une prédominance de plans larges et de plans taille, pour utiliser les décors et la figuration au maximum.
Une seconde de flou, durant un gros plan, représente le pouvoir hypnotique de la sirène, un effet spécial à la Melies uniquement par le pouvoir de la mise en scène.
La photographie naturaliste est assez sombre dans les scènes nocturnes.
Mais la plupart du film se déroule sous le feux des projecteurs multicolores du "dance floor".
Le montage est énergique, surtout durant les numéros de danse.
Toute une chanson se déroule en plan séquence, tandis que le temps semble figé autour de l'interprète.
Les décors de la boîte de nuit disco, avec spectacles pour adultes, est brillant et pailleté à souhait.
Il y a aussi une fête, sur une péniche, qui sort de l'ordinaire.
La présence de l'eau n'est jamais loin...
Les costumes d'époque sont forcément un peu ringards, seventies et pays de l'est obligent.
Les sfx permettent de représenter ces corps aussi lisses et asexués que des poupées Barbie, ou les queues géantes de sirènes tenant de l'anguille, par manipulation infographique de l'image.
Il y a quelques effets gore, et une belle cicatrice en forme d'étoile de mer, en maquillages traditionnels.
La scène de l'opération, pour obtenir des jambes, est particulièrement sanglante et graphique, on se croirait dans un bon vieux Frankenstein !
Le casting est le point fort du film, le moindre personnage secondaire à une gueule ou une allure intéressante, et les principaux protagonistes sont très bien
choisis.
Les deux sirènes Or (Michalina Olszanska) et Argent (Marta Mazurek) ont une beauté juvénile menaçante et innocente a la fois, le rocker Triton (Marcin Kowalczyk) a
un look pour le moins extrême, et la famille des musiciens (Kinga Preis, Andrzej Konopka, & Jakub Gierszał) est dégénérée comme il faut, mais avec le charisme qui les rend tout de même
sympathiques.
La musique n'hésite pas à verser dans les chansons de comédie musicale, pour illustrer la capacité envoûtante des voix de
sirènes.
Du bon vieux disco permet quelques numéros de danse bien sentis, et des jeux sur le son au travers du décor.
Certaines chansons sont si entraînantes qu'on a immédiatement envie de se procurer la BO !
De la pop inoffensive ça passe progressivement au punk rock le plus destroy...
Dans les bruitages et les nombreux effets sonores travaillés du film, notons la capacité télépathique des deux sirènes représentée par des sons de dauphins et de
baleines.
En conclusion, le ton foncièrement original du film vaut assurément le coup d'œil, ce conte de fée pour adultes est certes noir et désenchanté, mais il sait aussi
faire preuve d'un romantisme suranné, qui vaincra les spectateurs les plus endurcis.