MAKING-OF
1. La génèse
Tourné en 1994, " L'Alimentoïde " est le premier film de la " Coacho-Productions ".
Cette boîte de prod' imaginaire est en réalité l'association des efforts d'Olivier Launay (dit " le coach ") et des miens à faire aboutir le projet. Ce duo gagnant réussira d'autres exploits par la suite comme " Jeux de rôles ", " Monster Parade " ou encore l'entreprise titanesque du moyen métrage " Le Poubelloïde "…
Olivier n'est pas vraiment un producteur mais il est assurément un coach, et sans son enthousiasme et sa disponibilité jamais ces films-OVNIs n'auraient dépassé le stade du délire hypothétique (surtout pour le montage, car à l'époque nous n'avions pas de caméscope digital, il fallait numériser toutes les rushes analogiques) !
Le scénario débillissime du film est dû à l'esprit embrumé de Xavier Ségalié, un rôliste fou furieux, qui m'a balancé des tas d'idées saugrenues par une nuit d'ivresse… j'y répondait par une idée tout aussi conne, et de fil en aiguille l'histoire de " L'Alimentoïde " s'est construite d'elle même !
A cette heure avancée de la nuit, elle ne nous paraissait pas si absurde,
aussi le lendemain j'ai conservé ce projet comme si il s'agissait de la trouvaille du siècle (alors que de très nombreux films asiatiques mélangent Kung-Fu et cuisine mais je ne le savait pas à
cette époque).
Il me fallait 2 acteurs, Dédé était tout indiqué pour le personnage du beauf' : bien que dans la vie il soit tout sauf un beauf', son physique de sosie de Serge Gainsbourg et sa facilité à boire
de l'alcool le prédisposait à ce rôle…
2. Les personnages
Pour le ninja j'ai d'abord pensé à mon pote Stephane Janin dont la performance hilarante dans mon court métrage inachevé " Qui veut la peau de Roger Chouniard " m'avait marqué. Malheureusement Stef' n'avait peut être pas voulu être si drôle et a toujours refusé de retenter l'aventure devant ma caméra, j'ai donc dû faire une croix sur son physique si particulier de métis français-chinois-malgache aux énormes yeux !!!
C'est alors que l'évidence m'est apparue : Don Nguyen, mon pôte de lycée, le freak de service, toujours prêt à faire le pitre, même s'il faut sombrer dans les pires débordements (au point d'en être devenu malade mental !) allait devenir le SUPER CUISTÔT NINJA !
Dés qu'il passa le costume (prêté par un étudiant en ninjutsu obèse : Frédéric Conte, qui s'occupa des images de synthèse du film), Don devint le cuistot ninja : il fallait le voir s'entraîner nullissimement au nunchaku pendant des heures ou prendre des poses ahurissantes de Kon-Fu (variation don du kung-fu) pour comprendre que le film allait être un monument, une ode à la connerie tout simplement.
3. Le tournage
Vint ensuite le tournage à proprement parler, et là on s'enlisa
sérieusement dans le n'importe quoi :
Pas de quoi construire un décor de soucoupe volante, qu'à cela ne tienne, 2 vielles cartes à puces de récup' et voilà la caisse du coach déguisé en OVNI !
Il a pas l'air de voler, allongeons nous par terre et secouons la voiture
de toutes nos forces (au lieu de juste secouer la caméra) !
Pas de steadycam, pas grave, inventons la caddiecam (caméscope au fond d'un caddie de grand mére filmant en contre-plongée) !
Et pour tourner la scène des courses chez l'arabe du coin, quelle galère ! ils voulaient tous un billet de 500 balles ces rapiats, toute une soirée à parcourir le 18ième arrondissement d'épicerie en épicerie avant de trouver un généreux acceptant qu'on filme gratuitement dans son magasin…
Les scènes en animation image par image du monstre, construit en fil de fer, couvert de scotch, peint en noir, durèrent si longtemps à réaliser que tous le contenu du frigo pourrit, et bientôt l'odeur de la cuisine se répandit dans tout le studio (le film est tourné chez moi) !
Quand la fumée dû envahir le frigidaire, je me souvint que JC Hautbois, l'inventeur foldingue qui m'apprit tout ce que je sais en pyrotechnie, m'avait autrefois conseillé de brûler du coton flottant dans un bol d'eau pour obtenir un maximum de fumée…j'en obtint tant que ce fût le frigo entier qui prit feu !!! encore aujourd'hui il porte les traces de fonte de cette scène d'anthologie (comment ça, mais non je l'ai pas changé depuis) !
Fred travailla des mois pour obtenir les quelques plans en images
numériques, mais à l'époque il n'y avait pas de graveur, aussi il nous les fournit sur bande vidéo, et on devait les renumériser pour le montage sur nos propres ordinateurs…seulement voilà,
entre-temps, j'eus besoin de cassette pour enregistrer un porno ou un épisode de star trek, et j'effaçais par mégarde la moitié des superbes effets spéciaux !
On dût les refaire en bricolant en 2D avec ce qui nous restait de la 3D, mais le résultat top pourri correspond peut être finalement beaucoup plus à l'esprit général du film…
4. Les effets très spéciaux
Pour les rayons lancés par le monstre impossible de refaire appel à Fred après le saccage de ces plans spatiaux, alors je décidais d'employer la fonction titrage du caméscope. C'est ainsi qu'on a obtenu cet effet ringard de rayons aux couleurs vives, ne correspondant que rarement aux cadrages (évidemment puisque dessinés avant de filmer les séquences pour une incrustation en direct).
La scène où Dédé boit duraient la moitié du film dans le montage original (le coach m'a aidé à remonter le film pour qu'il dépasse son statut de films de potes), et son tournage a duré toute une soirée, autant vous dire que malgré sa descente légendaire notre Dédé était bien bourré à la fin !
D'ailleurs pour le plan où il crie en ouvrant son frigo, tourné dans la foulée, on dût s'y reprendre à quinze fois, sans jamais obtenir un cri convenable et suffisamment long, c'est pourquoi le plan est au ralenti (ce qui donne au film son cachet " art & essai " selon Mimitos). Il y eut même une prise où Dédé, pourtant simplement assis en tailleur par terre, faillit tomber à la renverse emporté dans son interprétation fougueuse (comprenez comateuse), si le coach ne l'avait pas retenu de justesse : une cascade que n'aurait pas renié Jackie Chan !!!
Vous avez certainement remarqué qu'à cause d'un tournage étalé sur des mois, Dédé n'a jamais le même rasage, d'un plan à l'autre, si ça c'est pas de la série Z…
La construction de la version alimentaire du monstre fût une épreuve insoutenable…à cause de l'odeur ! ce sont les même aliments
pourris par le temps de l'animation image par image qui servirent à sa réalisation, quand on ouvrit le poulet pour y enfourner la structure porteuse en fil de fer, ses organes étaient verts !
alors imaginez l'odeur de la tête de poisson.
Pour l'animer comme une marionnette à fils, mon frère Rémi dût grimper en équilibre sur une planche entre mon frigo et mes placards, et tous portaient un foulard sur le nez comme des brigands
dans un western…le premier film en Odorama !
Et pour les plans de tuerie où l'hémogolbine gicle en tout sens et éclabousse les murs, c'est de la sauce tomate qui fût jetée partout, allongé par terre hors champ, je plongait mes mains dans le mélange infâme d'eau et de sauce et en jetait à tout va…si bien que le nettoyage de ma cuisine ne fût pas une mince affaire !
Tout fût filmé en champ/contre-champ, jamais les 3 protagonistes ne sont présents ensemble à l'image, ni sur le plateau. Quand le ninja trinque avec le beauf à la fin, c'est ma main qui tient le verre de Dédé.
5. La musique
L'enregistrement de la chanson du ninja fût aussi une sacré partie de plaisir, le temps de tout brancher, de trouver l'air et d'écrire des " paroles " (oui, je sais…), et il était déjà 1 heure du mat'… mes voisins durent me haïr cette nuit là, d'entendre braïller les 2 pires chanteurs de l'univers sur une guitare électrique à fond, pendant les heures et les heures nécéssaires aux 12 prises toutes aussi nazes ! il fallut faire un montage entre plusieurs prises pour aboutir à un ensemble…encore plus naze !!!
6. Conclusion
C'était une grande époque, j'avais fait de mes 2 amis préférés (que
beaucoup considéraient comme des nuls ou des épaves) des acteurs fantastiques, ils étaient transfigurés par leurs rôles, le film nous avait rapprochés encore davantage et tous sortaient grandis
de cette expérience.
Je ne les remercierais jamais assez d'avoir participé, " L'Alimentoïde " fût mon premier projet " artistique " qui aboutissait enfin, et depuis je suis devenu un vrai boulimique dans toutes
sortes de domaines…
…mais tout ce que je fais, et ferait, sera toujours parfaitement représenté par l'état d'esprit gravos de " L'Alimentoïde ".
Quand on est con… On est CON !