Excursion définitive (Tabi saishuu) :

 

Il n’y a pas de temps à perde, une fois tout le matériel nécessaire à son bord, elle repart en vitesse subluminique, pour tout d’abord déposer quatre machines censées produire le tétraèdre gazeux au bon emplacement.

Toute l’équipe indispensable à la suite des opérations est donc montée à bord du Nounou 2, Lorwan, son robot, Möglin, et ses shard casters, nos héros ayant fait auparavant rapidement leurs adieux à tous leurs autres alliés, s’ils ne devaient jamais les recroiser.

Pour pouvoir laisser l’équipe de créateurs de la porte de transit sur place, pendant que Sivana emmène Lorwan faire les prélèvements, le Pays volant est tracté par le vaisseau spatial, fixé sur le dessus de sa coque, à la fois par ses tentacules ectoplasmiques, et des plots d’arrimage magnétique.

Les diffuseurs explosifs de Césium et les traceurs laser sont déposés précisément sur la course de Kiba, à une distance sur son axe de révolution correspondant à son emplacement 24 heures plus tard.

Suite à des estimations surnaturelles de Möglin et des mentors, les machines déchargent aussi dans le tétraèdre lumineux des centaines de milliers de shards de téléportation (en fait tout ce qu’ils ont pu réunir dans toutes leurs nations, dans le temps imparti, et ramené à New Ulbacus pendant les travaux).

Möglin et ses troupes passent donc dans la méduse rose, et elle se sépare de Nounou 2, qui s’éloigne à sa vitesse maximum, vers la menace bubonesque, aux frontières du système solaire.

Dans le cockpit, Sivana pilote, et Lorwan l’assiste aux radars, devant eux l’espace n’est qu’un trou sombre, sans aucune lumière stellaire éloigné, une simple zone d’obscurité totale, semblant bientôt emplir l’infini.

Les systèmes radars s’affolent, tous les senseurs sont tout à coup au rouge, ils y sont :

Les filaments protoplasmiques du globbo ne doivent être qu’à quelques centaines de kilomètres.

Sivana est prudente, et ne veut pas que son engin n’avance davantage.

Il faut envoyer les sondes, par le biais des lance-torpilles.

Jaïtcee avance comme un somnambule, avalant une dernière dose de cachets revitalisant pour lutter contre le sommeil, il charge son robot dans un robot-fusée de prélèvement, et y monte à son tour.

Devant son air absent, ses suées et ses tremblements, la jeune Sivana s’inquiète un peu :

« Est-il bien sûr de ce qu’il va faire ? », s’interroge-t-elle à juste tire, elle ne voudrait pas mener à sa perte celui qui l’a sortie d’affaire autrefois, contre l’invasion des nanites technocentristes.

« Tiens c'est drôle, ça devient une habitude de partir de chez vous à bord d'une torpille » tente-t-il pour faire apparaître un sourire sur le visage de Sivana.

« Surtout si vous voyez une petite boule de chair congelé sur votre chemin, ne la ratez pas, ce sera peut être moi », il éclate de rire.

Mais Lorwan n’est plus apte à écouter l’avis de qui que ce soit, seul le hasard désormais déterminera son destin.

Certes le « hasard » ne paraît pas de prime abord une notion bien scientifique, et pourtant si on tient compte du point de vue déterministe des sciences, tout phénomène a nécessairement une cause.

Donc, on ne peut qualifier de hasardeux que les systèmes dynamiques dont le niveau de complexité est tel que l'esprit humain ne peut en déterminer le devenir.

On peut donc dire que le hasard s'applique aux systèmes obéissant à la « théorie du chaos » (NB : ou aux jets de dés en JdR !). 

Sanglé aux parois internes de la sonde, Jaïtcee fait face à son double mécanique, assis en face de lui.

Il voit son reflet dans le métal de la cuirasse métallique bleutée…

Le reflet d’un homme, fatigué, épuisé même, limité c’est sûr, mais d’un homme de chair et de sang, à qui les caprices du destin ont effectivement offert une seconde chance.

Une seconde chance de réaliser ses rêves, que nul ne parvient à comprendre ?

Ou de vivre une autre voie, une version alternative de son existence, de corriger des erreurs, de se dépasser, ou de réapprendre tout simplement à vivre ???…

Par radio, Lorwan suit le déroulement des prélèvements d’échantillons organiques sur les tentacules géantes du Globbo, qui lui décrit le capitaine Sivana :

Sur les 20 sondes envoyées, seules 4 ont pu renvoyer au Nounou 2 leur micro-missile contenant la cuve d’isolement, toutes les autres ont été phagocytées entièrement avant cela, soit que leur direction d’approche du filament est été mauvaise, les faisant entrer en contact autrement que par la seringue, soit que le système de carottage est été digéré avant d’avoir pu fonctionner, soit que la force électrostatique censée attirer l’échantillon dans la cuve est été insuffisante, et que ce dernier soit entré finalement en contact avec les parois internes… quoiqu’il en soit, seuls quatre échantillons sont de retour au bercail, c’est suffisant de toute façon pour la suite du plan anti-Globbo-Bubon, donc Sivana décroche, abandonnant Lorwan à son sort…

Son propre prélèvement atterrit enfin en suspension dans la cuve d’isolement, attenante à la soute minuscule où il se trouve lui-même.

Par un sondage transfert, Lorwan se heurte à un premier « hic » dans son plan, cet échantillon n’est en rien un gluon, ce n’est pas l’équivalent d’une « créature-objet », mais juste de la matière sans conscience, une fois coupé de son grand tout, et par conséquent totalement intransférable, c’est juste un « bout de bidoche ».

Malgré tout, Lorwan peut toujours s’entêter, et se faire déposer par sa fusée robotique, en scaphandre, sur le filament protoplasmique, pour se laisser phagocyter par le Globbo, en éloignant le second compartiment avec son robot, pour s’y transférer au dernier moment.

Mais s’il fait cela, il va souffrir horriblement en étant ingéré par la tentacule, comme baigné vivant dans un bain d’acide moléculaire, la douleur lui laissera-t-elle assez de forces mentales pour permettre malgré tout son intention de transfert ?

Et même si c’est le cas, la résistance au transfert du spirit de son robot est énorme, comment peut il être sûr d’y parvenir, surtout avant d’être tué par digestion ?

Qu’est ce qui lui assure de parvenir à établir une quelconque connexion de communication avec le Globbo ?

En effet, la dernière fois, c’est en tant que gluon qu’il l’avait intégré, et donc le dialogue s’était fait naturellement par échanges de fluides chimiques, mais dans son propre corps humain, il risque juste d’être dévoré sans plus de considération, sans même que son interlocuteur n’entende le moindre « cri »…

Lorwan peut encore malgré tout se passer de cette tentative de dialogue, et quand même s’accrocher à sa tentative de cristallisation du Globbo, en se transférant dans son robot alors que son corps fait partie du grand tout… mais il doit admettre que ses chances de succès sont totalement dérisoires, car même en réussissant ce transfert difficile, qu’est ce qui empêcherait le Globbo de se désolidariser de quelques années lumières de sa tentacule, laissant cette « rognure d’ongle » dériver cristallisée dans le vide spatial, puisqu’il est clair qu’il est capable de se scinder à loisir.

Et si miraculeusement il parvenait malgré tout à réaliser l’impossible, en quoi avoir une masse de cristal d’un volume d’un quart de galaxie est il préférable à la masse organique actuelle.

Certes, il ne progresserait plus vers d’autres mondes habités, mais avec les Tyggs qui rodent dans le coin, déjà capables de créer des planètes vivantes, est-il bien prudent de minéraliser une masse et un volume pareil, juste sous leur nez ?…

Toutes ses questions taraudent l’esprit du prisonnier temporel, alors que sa réincarnation n’est plus l’affaire que d’un court instant, quelques minutes tout au plus.