La société Majipoorienne :

 

Huit peuples différents habitent Majipoor.

Nous mettrons tout de suite à part les Piurivars, les occupants immémoriaux de ce monde qui considèrent les autres comme des colons au mieux, sinon des envahisseurs.

Même si les tensions semblent aujourd’hui apaisées, et la cohabitation plus sereine, les autochtones conservent une civilisation à l’écart, aussi bien géographiquement que socialement.

À quelques particularités locales près, tous ne constituent donc qu’une seule nation : Majipoor.

Bien que l’élite de la noblesse reste essentiellement humaine, pour l’instant, il n’existe ni charge, ni poste, ni emploi qui ne soient pas ouverts à tous et en théorie même aux Piurivars.

Cela donne une société où tous partagent un gouvernement unique et singulier, et plus globalement une organisation sociale : la monnaie, les lois, les droits, l’éducation, la liberté d’entreprendre… et le langage.

Le majipoorien est parlé et appris par l’ensemble des peuples depuis des millénaires.

Fortement basé sur un ancien idiome terrien, il a su inclure et adapter au fil du temps les nouveaux apports pour créer une forme de communication simple débarrassée d’exceptions, de synonymes trop nombreux, ou de conjugaisons alambiquées.

Pour autant, à l’exception des humains qui ne s’expriment qu’en Majipoorien, les langues originelles sont toujours usitées au sein de petites communautés isolées, comme les habitants des îles de l’archipel, des marais de Bellatule, ou des confins septentrionaux de Zimroel.

 

Abandon progressif de la technologie :

À leur arrivée sur Majipoor il y a plus de quinze mille ans, les humains débarquent avec leur technologie de pointe, celle d’une civilisation qui maîtrise le vol spatial interstellaire depuis longtemps.

Les circonstances de leur venue ont été oubliées, et cela n’a plus guère d’importance.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un seul équipage pose les pieds sur cette planète qui leur est inconnue.

L’air est respirable, l’eau potable, et la gravité compatible.

Les armes permettent de tenir à distance les autochtones.

Bref, les conditions de vie sont propices à leur survie.

Mais comme nous l’avons vu plus haut, les richesses minières de Majipoor sont pauvres, et la nouvelle colonie ne devra compter que sur l’entretien et l’utilisation économe de ses machines pour se développer.

Les quelques historiens qui s’intéressent encore à cette lointaine époque ne disposent plus que de rares documents, mais ils s’accordent à penser que le vaisseau devait être immense et ses ressources technologiques et humaines importantes.

Il n’est donc pas anormal que six mille ans après le débarquement, la colonie soit très développée et son armement très largement supérieur aux Piurivars, qu’elle va mettre définitivement au pas après une guerre longue et impitoyable.

Au fil du temps, les terriens ont conservé une partie de leur technologie, qu’ils savent toujours entretenir à défaut de la moderniser, et y ont ajouté ou adapté une ingénierie plus simple et plus ancienne.

Les transporteurs utilisent encore un procédé de sustentation magnétique ou hydrodynamique, mais sont aussi tractés par les animaux.

Les forces armées disposent encore de lanceurs énergétiques, qui côtoient des archers traditionnels, mais se battent plus souvent à l’épée ou au sabre.

Les radios, et plus généralement tous les moyens de communication modernes, ont disparues, et sont remplacés par les visions des mages et certaines formes de télépathie.

Les bandeaux des rêves en sont de bons exemples.

Il s’agit d’une technologie dont l’énergie provient de la puissance psychique.

Cependant, à l’initiative du Lord Melikan, des peuples de planètes proches sont venus renforcer la présence terrienne mille années avant la guerre, et ont changé la société.

Par petites touches, des rituels de magie, voire de sorcellerie, se sont installés dans les habitudes des néo-majipooriens, en particulier avec les Vroons, chaque nouvel arrivant ajoutant et adaptant ses techniques.

La venue plus tardive des Su-Suheris transformera radicalement cette société unique et originale.

C’est sous Lord Confalume, puis son successeur Prestimion, il y a presque deux mille ans, que la magie atteindra son véritable essor, que l’on connait encore aujourd’hui.

Ainsi la civilisation majipoorienne repose sur un curieux équilibre entre ancien et moderne, entre technologie et magie, aux sources multiples des peuples qui l’a compose.

 

Pacifisme par le contrôle des songes :

Depuis les règnes de Prestimion et Dekkeret, le gouvernement ne s’appuie plus sur une police organisée rassurante et/ou répressive.

Ses quelques représentants limitent leurs activités à la constitution des dossiers, des enquêtes et à la surveillance des rares prisonniers de droit commun, ils n’ont qu’un rôle administratif.

Globalement, la sécurité est maintenue localement par des gardes royaux, des milices de villes ou de régions, fondées la plupart du temps sur le bénévolat.

Cela vaut aussi pour l’armée, qui depuis la victoire de Lord Stiamot sur les Piurivars n’existe plus vraiment.

Lors de la guerre civile sous Prestimion, et les révoltes des autochtones sous Valentin, les bataillons n’étaient composés que de citadins, de villageois ou de paysans volontaires, appuyés par les milices et les gardes royaux, et sous le commandement des princes et des membres du cercle rapproché des rois.

Alors, comment une société composée de peuples différents de plusieurs milliards d’individus, dispersés sur des distances telles qu’en connait Majipoor, peut-elle demeurer pacifique et stable aussi longtemps ?

Tout n’est pas parfait, les gaillards peu scrupuleux existent aussi.

Des bandes de brigands ou de pillards exercent de coupables activités dans les zones reculées, la mer de Barbirike à l’est du Mont, ou les déserts, celui de Velalisier au nord du labyrinthe par exemple.

Ce ne sont pas des criminels au sens strict, plutôt des rançonneurs qui exigent une taxe, un droit de passage sur les terres qu’ils contrôlent.

Ni-moya et d’autres grandes villes de Zimroel abritent des ligues de voleurs reconnues et encadrées, qui payent un impôt comme tout un chacun.

Tous ces individus, et les autres, les solitaires de l’escroquerie et les petits voleurs, craignent bien plus qu’une privation de leurs droits, une peine de prison, voire la mort pour les rares assassins.

Le pire serait de succomber aux tourments du Roi des Rêves.

Qu’y a-t-il de pire que de passer ses nuits sevrées de sommeil par l’incursion dans votre esprit de terribles messages, qui vous pousseront tôt ou tard au suicide, ou pire à la folie ?

À leur manière, les Rois des rêves, les Barjazid, sont la conscience de la planète, et symbolisent, depuis Lord Dekkeret, la férule et le fouet, grâce auxquels les autres puissances continuent d’exercer leur méthode plus douce de gouvernement.

Même s’il est possible de traverser les mailles de leur filet psychique, le risque est bien grand.

Mais il y a toujours des joueurs pour tenter leur chance…

 

Mélange des espèces sans racisme :

Bien que gouvernés par une aristocratie essentiellement humaine, tous les Majipooriens ont des droits identiques, des droits et des devoirs, même les autochtones.

Longtemps écartés du pouvoir, de la vie sociale et économique, ils sont désormais reconnus comme citoyens à part entière depuis Lord Valentin.

Leur cas un est peu à part cependant.

Car eux-mêmes nourrissent encore de la méfiance, voire du ressentiment, envers les envahisseurs.

En outre, des groupuscules extrémistes ne partagent pas les idées égalitaires de l’ensemble de la population, et rejettent les droits des Piurivars.

Cette exception entendue, après des milliers d’années, la majorité des habitants de Majipoor sait faire la différence entre des communautés de peuples ouverts, et un communautarisme renfermé.

La constitution de la société exclut toute forme de ségrégation, ou de préférence ethnique.

Majipoor est une planète unique et probablement, pour beaucoup des peuples qui composent cette société, bien plus agréable que leur monde d’origine.

 

Extrême isolement des communautés du aux distances énormes :

Les trois continents principaux s’entendent chacun sur plus de dix mille kilomètres.

Entre Alhanroel et Zimroel, huit mille kilomètres séparent les deux côtes.

L’Île du sommeil elle-même est un petit continent qui ne doit sa définition géographique qu’à la différence de taille avec les autres.

En l’absence de moyens de communication radio et de transports rapides, pas d’avions, pas de trains, les communautés sont livrées à elles-mêmes, et aux dictats toujours possibles d’un maire, d’un préfet de région, ou d’un procurateur.

Ces cas sont rares mais existent.

Le Coronal, représentant exécutif du Pontife, n’exerce qu’un contrôle irrégulier à l’occasion de ses périples planétaires.

Les nouvelles lois, et plus généralement toutes les décisions gouvernementales, prennent parfois quelques années avant d’être connues par les populations éloignées.

Les coursiers partant du Labyrinthe ou du Mont du Château ne desservent que les préfectures régionales, à qui la responsabilité de diffusion incombe finalement.

Il est donc concevable qu’un territoire applique une loi tandis qu’un autre, isolé, en ignore l’existence.

À l’inverse, la situation particulière d’une communauté ne sera connue que parfois tardivement par les pouvoirs centraux, et les solutions mise en place pour résoudre un problème local seront souvent peu adaptées.

 

Influence des arts surnaturels sur la vie quotidienne :

Dans la mesure où la technologie perd du terrain année après année, décennie après décennie, siècle après siècle, la société majipoorienne s’est transformée, et l’apport extra-humain a largement contribué à l’influence des arts surnaturels dans la vie quotidienne.

Magie blanche ou noire, sorcellerie ou divination, cartomancie et envoûtement, ces pratiques englobent tous les aspects de la vie privée, professionnelle, mais aussi pour les dirigeants une aide aux décisions politiques.

L’interprétation des rêves qui, nous l’avons vu ont une place importante, est le rituel le plus répandu.

Plus qu’une assistance, il s’agit aussi d’une confession auprès d’une guilde soumise à la confidentialité.

Les médecins sont également des guérisseurs au sens mystique, pour qui les plantes ou les pierres n’ont pas de secrets.

Par ailleurs, si certaines populations isolées ont su conserver des bribes de leurs coutumes religieuses originelles, elles n’entrent pas en contradiction après la magie.

Globalement les majipooriens, tous peuples confondus, s’en réfèrent au divin, sans que celui-ci prenne une forme particulière, ce qui le rapproche des croyances piurivars et du principe du “Ce-Qui-Est”.